Quels sont les enjeux d’une offre de seconde-main pour les acteurs du luxe ?

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Véritable tendance de fond, les pièces de seconde main prennent de plus en plus leur place dans le dressing des clients du luxe. Ces derniers aspirent à posséder moins d’articles, mais de meilleure qualité et répondant aux enjeux écologiques actuels. Évalué à l’heure actuelle à 27 milliards de dollars par le cabinet McKinsey, le marché mondial de la seconde main devrait atteindre les 57 milliards de dollars en 2025. (The state of fashion 2022, McKinsey).

 

Un modèle compatible en termes d’image

Dans un secteur où prime la recherche de sens, d’histoire, et de valeur dans le produit acheté, la seconde main semble de plus en plus en accord avec les valeurs des Maisons de luxe. Pour les acteurs du luxe, il s’agit d’une opportunité de gestion et de valorisation de la rareté et de la qualité. Les produits de grandes Maisons, historiquement symboles de durabilité, sont d’ailleurs souvent acquis ou légués dans des cadres transgénérationnels. La seconde main s’inscrit donc en ce sens dans une dynamique d’héritage du produit.

Ces derniers mois, la recherche de produits vintages a également été boostée par la sortie de films ou de mini-série sur des créateurs ou fortement axés sur la mode. Ainsi, les recherches de pièces vintage Gucci ou Courrèges ont augmenté de 80% à 300% après leurs apparitions sur nos écrans et soutiennent une activité commerciale autour de la seconde main. A l’instar des célébrités influenceuses qui rivalisent sur les tapis rouges en portant des pièces iconiques de créateurs décédés (Mugler notamment), d’autres revendiquent publiquement de porter plusieurs fois des tenues en les accessoirisant différemment (c’est le cas de Kate Middleton, régulièrement saluée pour cette action).

Face à des consommateurs de plus en plus sensibles aux questions écologiques, les Maisons doivent apporter des réponses à la hauteur des enjeux et des attentes de ces clients qui privilégieront des marques responsables. La politique actuelle en France se dirige également vers le développement durable, impactant alors les industries de la mode considérée comme parmi les plus polluantes. Ainsi, en avril 2019, Emmanuel Macron charge François-Henri Pinault, PDG du groupe Kering, de mobiliser les entreprises du luxe autour des bonnes pratiques environnementales avec le Fashion Pact qui vise à enrayer le réchauffement climatique, restaurer de la biodiversité et protéger les océans. Un an après sa création, le nombre de signatures a doublé, avec aujourd’hui plus de 200 marques.

 

Cette manne financière potentielle (et ce relais de croissance avéré) échappe aujourd’hui volontairement aux Maisons qui ont historiquement laissé la part belle aux plateformes spécialisées. Véritables pure players, ils ont peu à peu assis leurs statuts de leaders mondiaux du marché, en échange de services leur permettant d’attester l’authenticité des produits. A contrario, la gestion de remise en état des pièces, puis leur revente via leur propre plateforme relève d’un certain intérêt pour les Maisons du secteur. Cette offre en interne permet déjà de rassurer les clients souhaitant acquérir une pièce de seconde main, et ce sans passer par les plateformes actuelles du marché qui ne peuvent assurer à 100% l’authenticité du produit. Cela permet également à la marque de maîtriser son image sur tout le cycle de vie du produit et de limiter la fraude.

Également, soutenir une démarche de réparation, remise en état, et revente de produits achetés par les canaux d’achat officiels leur permet d’asseoir une politique de durabilité volontariste. Des initiatives concrètes qui viennent contredire les accusations de « green washing » dont les Maisons sont souvent victimes, dans un contexte où la réduction de leur empreinte carbone devient cruciale. Enfin, il est à noter également que la loi anti-gaspillage a beaucoup fait évoluer la définition de seconde main : il est de plus en plus courant que les plateformes de revente (the Real Real aux USA par exemple) vendent en réalité les invendus des grandes Maisons. Un moyen efficace d’écouler leur stock sans nuire à l’image de désirabilité de leurs produits.

Boutique The Real Real

 

Une nouvelle perspective de croissance pour les marques 

Une offre d’occasion peut représenter une véritable perspective de croissance pour les acteurs du luxe, notamment dans le fait qu’elle permet de toucher une plus grande part de marché, sans nuire à leur image :

  • L’offre d’occasion peut être envisagée comme un mécanisme de recrutement et de fidélisation auprès des cibles plus sensibles au prix, en particulier les plus jeunes (Millenials et génération Z). Très ancrée dans les pratiques de consommation des moins de 30 ans, la seconde main constitue donc une très bonne opportunité pour accroître sa notoriété auprès de ce marché qui constituera les clients des collections neuves à mesure que leur pouvoir d’achat le leur permettra. En ce sens, le marché de l’occasion s’avère être un puissant outil pour ancrer la marque dans l’esprit des acheteurs, qui à l’avenir, constitueront la fidèle clientèle de la Maison. Il est en effet estimé que 80% des acheteurs de produits de seconde main souhaitent pouvoir devenir des clients directs de la marque par la suite.

 

  • La seconde-main s’inscrit dans une démarche durable en même temps qu’elle permet d’asseoir un positionnement de plus en plus attendu par les consommateurs. Les études soulignent la forte croissance des considérations environnementales dans les pratiques de consommation, et en particulier chez les plus jeunes. Dans une étude conjointement menée par BCG et Vestiaire Collective, 59% des clients du luxe sur les marchés primaires et secondaires affirmaient que la question de la durabilité influence leur comportement d’achat. En ce sens, la réutilisation des produits finis et matériaux contribue à la valorisation de l’image de marque et à la séduction de nouveaux segments de marché. L’indice de réparabilité et la performance de la filière Service-Après-Vente (SAV), interne ou externe, deviennent également des arguments de vente (ex : remise en l’état de sacs iconiques chez Reese.com ou la Clinique du Sac, de souliers chez JM Weston ou de bagues chez Cartier).

 

Publicité Vestiaire Collective

 

  • La seconde main est enfin un moyen de valoriser les produits en édition limitée ou collaboration entre grandes Maisons. Catégorie d’articles extrêmement populaire sur les plateformes spécialisées, certaines permettent d’ailleurs la revente de ces produits à un prix dépassant celui du marché primaire (favorisant ainsi l’engouement et la notoriété autour de la marque). L’occasion contribue par ailleurs à raviver l’intérêt pour les pièces vintages, ou parfois des pièces qui ne sont plus fabriquées par la maison : c’est notamment le cas du modèle Nautilus 5711 de chez Patek Philippe, qui connaît actuellement un grand engouement sur les plateformes de revente. Un nouveau coup de projecteur qui contribue à asseoir la notoriété iconique de certains produits.

 

Conclusion

S’il a longtemps été délaissé par les marques de luxe, le marché de la seconde main devient aujourd’hui un enjeu majeur du secteur. En répondant aux attentes des consommateurs, et avec les perspectives de croissance que cette économie circulaire représente, il y a fort à parier que ce marché prendra de plus en plus de poids dans la stratégie des marques qui devront adapter leurs modèles pour intégrer la seconde main. Parmi les impératifs et au cœur des hésitations persistantes des acteurs du secteur : la capacité des marques à certifier l’authenticité des produits, soit par la preuve d’achat, soit par le produit lui-même. Un sujet sur lequel Adone est pionnier en termes d’accompagnement et de mise en place des prérequis. Nous vous détaillerons dans un prochain article les différentes façons d’intégrer la seconde main à un business model.

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