En tant qu’acteur du Luxe, comment faire de la loi AGEC un avantage stratégique ?

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La loi AGEC, Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire, a pour objectif la transformation de notre système pour passer d’une économie linéaire qui suit le format « produire – consommer – jeter » à une économie circulaire. Ce modèle implique la mise en place de nouveaux modes de conception, de production et de consommation plus sobres et plus efficaces (écoconception, écologie industrielle et territoriale, économie de fonctionnalité, etc.) et à considérer les déchets comme des ressources. Les acteurs du luxe, guidés par l’éco-responsabilité et jouant un rôle majeur dans cette transition, ont face à eux un nouveau levier d’évolution. De fait, ces nouvelles mesures imposées ainsi qu’une clientèle cible mieux informée, plus exigeante et plus consciente de l’impact de sa consommation, font partie de leurs grands challenges du moment.

Promulguée en février 2020, la loi AGEC a pour ambition de sortir du Greenwashing et d’inciter les marques sous REP (Responsabilité Elargie des Producteurs) à mettre en œuvre des actions concrètes pour un développement durable et un impact réduit sur l’environnement et la biodiversité. Elle se décline au tour de 5 grands axes :

  • Sortir du plastique jetable
  • Mieux informer les consommateurs
  • Lutter contre le gaspillage et favoriser le réemploi
  • Lutter contre l’obsolescence programmée
  • Mieux produire

Malgré l’importance des efforts et la diversité des mesures à mettre en place, cette loi doit être vue sous le prisme de l’innovation pour permettre à l’entreprise de réaffirmer ses valeurs et de se démarquer auprès des consommateurs. Offrir un produit innovant, développer les compétences en interne, optimiser les ressources et processus, établir des partenariats stratégiques, augmenter la notoriété et l’image de marque, ou même rendre le recrutement plus attractif, sont des avantages stratégiques concomitants au respect des mesures à mettre en place pour la loi AGEC.

Dans cet article, nous vous proposons de découvrir des initiatives pour répondre à certains challenges adressés par la loi Anti-gaspillage, regroupées par étape du cycle de vie de produit.

 

Développement

Selon une étude publiée par Oney, 90% des consommateurs attendent des marques qu’elles s’engagent et les aident à mieux consommer.

Les consommateurs se tournent de plus en plus vers les produits dont l’impact environnemental est mineur. La réduction de l’empreinte écologique devient, en elle-même, une stratégie auprès des consommateurs. Dans cette optique, afin de répondre à l’ambition de mieux produire de la Loi AGEC, l’un des moyens pour agir sur l’impact environnemental d’un produit est une meilleure sélection de ses matériaux et de leurs lieux de culture, ou de fabrication. Si l’incitation à la relocalisation des industries est à prévoir, pour afficher un bilan carbone et afficher des pays associés aux classiques « Made in » du secteur luxe, l’innovation dans les matériaux va aussi connaître un second souffle.

Source : prada.com

En alignement avec cet objectif, Kering a lancé en 2020 le Sustainable Innovation Lab (SIL), une plateforme d’innovation pour la recherche et développement de nouveaux matériaux de qualité ayant un impact réduit sur l’environnement. Par ailleurs, nombreux sont les acteurs du luxe qui commencent à utiliser des matériaux recyclés dans leurs collections, comme Prada dans sa collection Re-Nylon élaborée principalement avec ECONYL, une substance obtenue à partir de nylon recyclé.

Par ailleurs, l’innovation s’applique également aux récipients à usage unique, qui seront progressivement limités selon les directives de la loi AGEC pour sortir du plastique jetable d’ici 2040. Ainsi, la Maison Gucci est devenue l’une des premières Maisons de luxe à utiliser des emballages 100% recyclables créés avec des encres à base d’eau, ce qui permet à la marque de limiter sa consommation de plastique à usage unique.

 

Production et stockage

La lutte contre le gaspillage a poussé les Maisons du luxe à revoir la conception de leurs collections pour réduire au maximum la quantité de matériaux à utiliser, ce qui permet une optimisation des ressources. Les déchets de fabrication peuvent être souvent réduits, mais leur élimination reste un objectif très ambitieux.

C’est ainsi que sont apparus les partenariats stratégiques entre les Maisons du luxe et d’autres marques qui réutilisent leurs déchets de fabrication. Une des marques qui a mis en place cet accord gagnant–gagnant est la Maison de chaussures Être Amis, qui fabrique ses créations à partir de matières déjà existantes initialement destinées aux Maisons du luxe. Les partenariats entre les Maisons de luxe et d’autres marques ont été également étendues à la vente des stocks dormants. Ces accords permettent à la Maison d’écouler son stock dormant et à l’acheteur d’obtenir des matériaux de grande qualité à un prix compétitif. Adapta a initié une plateforme de textile et cuir regroupant les stocks dormants de diverses Maisons de luxe et de leurs fournisseurs.

En ce qui concerne le stock des invendus des saisons précédentes, l’upcycling, qui a comme objectif la réutilisation des restes et invendus des anciennes collections, devient une solution de plus en plus populaire. Comme exemple, on peut voir la collection de baskets upcyclés « LV Trainer Upcycling » de Virgil Abloh pour Louis Vuitton.

Source : louisvuitton.com

 

Distribution et transport

Toujours dans la perspective de mieux produire de la loi AGEC, l’amélioration des processus de planification et d’allocation des produits peut avoir un impact positif sur la consommation des ressources de transport et donc, de l’empreinte carbone du produit, en réduisant les quantités produites au strict nécessaire et limitant ainsi la surproduction. Grâce aux solutions de planification et de prévision de la demande (basées sur l’Intelligence Artificielle), les Maisons de luxe, tel que le groupe LVMH, anticipent leurs besoins et privilégient le transport maritime pour une partie de leurs flux à l’international.

 

Expérience client

Aujourd’hui, l’information est très facilement accessible, les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact de leur consommation, et ils demandent des alternatives plus respectueuses de l’environnement. Pour répondre à ces exigences, il sera nécessaire de rendre accessibles plusieurs étapes dans la réalisation du produit fini à compter du 1er janvier 2023 :

  • pays de teinture/impression, pays de tissage pour le Textile,
  • pays de piquage et d’assemblage pour les chaussures,
  • pays de fabrication pour toutes les catégories produit

 

Mais il sera également nécessaire d’être en mesure d’informer le client, sans frais et en amont de l’acte d’achat, des caractéristiques à portée environnementale du produit exprimées d’après son poids net, à savoir :

  • % de matières recyclées contenues
  • % de matières synthétiques
  • Liste des matières dangereuses (en cosmétiques, il faudra mettre une application ou une page web dédiée à disposition du client, en open data, contenant par produit la liste des perturbateurs endocriniens avérés ou supposés)
  • Sa recyclabilité (+ sa compostabilité pour les emballages)
  • Les consignes de tri du produit fini et de son/ses emballages
  • Un affichage environnemental volontaire pour indiquer l’empreinte environnementale basse à extrême associée à ce produit.

Les solutions de traçabilité peuvent compléter cette transparence en intégrant toutes les informations clés, depuis la source des matières premières jusqu’à l’expérience d’achat. LVMH s’est lancé en association avec d’autres grandes marques de luxe sur Aura, la première blockchain de luxe internationale qui partage des informations aux clients en assurant une transparence et une traçabilité élevées tout au long du cycle de vie d’un produit.

 

Fin de vie

Avec la lutte contre l’obsolescence programmée et la favorisation du réemploi, la loi AGEC cherche une redéfinition de la notion de fin de vie des produits. En 2025, elle imposera aux marques l’interdiction de détruire leurs invendus non alimentaires.

La tendance vintage est de plus en plus suivie par les consommateurs, qui cherchent à trouver des trésors qui ne seront jamais produits à nouveau. Les prototypes non commercialisés atteignent la dimension de collectors, à l’instar des pièces de musée que s’arrachent les VIPs sur les tapis rouges. Les endroits qui offrent des services de deuxième vie pour revendre les produits en bon état sont déjà très nombreux. Parmi eux, on trouve l’espace dédié aux Galeries Lafayette, [RE]Store, dédié à la seconde main et à la mode responsable. Pour aller plus loin sur ce sujet, n’hésitez pas à consulter notre article dédié aux enjeux de la seconde main pour les marques de luxe.

Source : haussmann.galerieslafayette.com

 

Une autre manière de répondre à la demande de favorisation du réemploi, est d’étendre l’offre de services avec la location d’articles. Cette initiative, peu populaire parmi les acteurs du luxe, augmente pourtant la visibilité de la marque et lui permet de se faire connaître auprès des nouveaux clients. Ainsi, Ralph Lauren met déjà à disposition un service de location de vêtements par abonnement, The Lauren Look, avec le slogan « Rent, Try, Keep or Repeat ». La loi prévoit également la naissance d’un vaste réseau de collecte et de revalorisation ou de recyclage notamment pour les produits textiles afin de stopper l’incinération ou l’enfouissement actuel des quelques 450 000 tonnes de déchets textiles générés annuellement.

 

Conclusion

Toutes les initiatives mentionnées dans cet article ne sont que quelques exemples de toutes les évolutions mises en place par les acteurs du luxe. Ces changements inévitables prouvent que le modèle actuel est en train de basculer progressivement vers un modèle d’économie circulaire. Cette bascule se confirme d’autant plus que la liste des mesures couvertes par la loi AGEC ne cesse de s’élargir. En effet, dès janvier 2023, les acteurs du textile et de l’habillement vont notamment devoir afficher l’origine des textiles utilisés dans leurs produits. Cette mesure de traçabilité vise à favoriser la transparence vis-à-vis des consommateurs en partageant l’une des informations essentielles du produit, sa provenance. D’autres décrets d’application viendront enrichir la loi AGEC et préciser sa mise en œuvre d’ici 2040. Plusieurs autres initiatives françaises viennent compléter la liste de mise en conformité du secteur textile, tels que la loi Climat et Résilience qui va s’attaquer à l’empreinte carbone ou le système de bonus pour les secteurs soumis à REP pour des produits plus durables et le développement de nouvelles solutions de collecte des textiles usagés qui devra être mis en place sous 6 ans.

 

Si vous souhaitez anticiper la transformation inéluctable du modèle de production et de consommation actuel et l’intégrer au cœur de votre stratégie pour en faire une de vos forces, Adone Conseil est là pour vous accompagner.