Quels sont les impacts de la loi Climat & Résilience sur les secteurs de la mode et du luxe ?

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Dans le cadre du Pacte Vert1 pour l’Europe et de la Convention citoyenne pour le climat (lancée par le gouvernement Macron fin 2019), la loi française Climat et Résilience2 a été publiée en août 2021 et touche l’ensemble des grands domaines publics et privés. Elle a pour objectif de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France et vise à ancrer les fondamentaux de l’écologie et de la responsabilité environnementale dans la société française.

Mais à date, quels sont les principales incidences sur les secteurs de la mode et du luxe ? Reconnues pour leurs grandes consommations de ressources, ces industries seront directement impactées par la loi Climat & Résilience, notamment en ce qui concerne les processus de fabrication et de vente de leurs produits. Adone vous en dit plus sur les premières mesures phares comprises dans ce nouveau cadre législatif !

 

 

Un éco-score pour afficher l’impact sur l’environnement des produits textiles

Le score environnemental

L’affichage d’un score environnemental3, à la manière d’un “nutri-score environnemental”, s’appliquera en priorité aux secteurs du textile et de l’habillement. A terme, les vêtements et chaussures devront être vendus en affichant ostensiblement leur score en termes de performance environnementale, dans un but d’informer le consommateur sur les niveaux d’émission de gaz à effet de serre, d’exploitation des ressources en eau et en énergie, de pollution des milieux aquatiques… et ce sur l’ensemble du cycle de vie du produit concerné.

L’affichage environnemental s’appliquera donc en magasin ou sur les sites e-commerce sur la base d’un référentiel validé et une identité graphique déposée. Les informations portées par cet affichage pourront être une note de type A-B-C-D-E, un score sur 100, ou encore un « indice de coût environnemental ».

Seul le délai d’application reste à confirmer car les discussions se poursuivent au parlement pour garantir un affichage pertinent, scientifiquement juste et partagé par les différents acteurs de l’industrie.

Ce repère simple pour les consommateurs leur permettra de comparer les produits similaires vendus en France entre eux et faire ainsi des achats plus responsables.

A compter de mi-2023 néanmoins, les metteurs sur le marché (marques, importateurs…) d’habillement pourront également bénéficier d’un bonus en cas de critères de durabilité, détention de labellisations environnementales  et intégration de matières recyclées. Cette “prime” s’appliquera sur la contribution obligatoire au financement des actions de Refashion, l’éco-organisme financé par la filière pour piloter la fin de vie des textiles, vêtements et chaussures. Un système inverse de Malus est en réflexion.

 

Les prémices et premiers tests

De nombreux acteurs (Hermès, Louis Vuitton, Balenciaga, Lacoste, Undiz, Asphalte, Decathlon, Petit Bateau, ou encore Salomon…) ont été réunis pour réaliser des études de cas entre janvier et juin 2022 à l’aide d’outils leur permettant d’obtenir une “note environnementale” . L’ADEME (l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) a réalisé, quant à elle, une évaluation transverse des méthodes d’analyses sur les secteurs alimentaires et textiles en particulier qui s’est clôturée le 30 septembre 2022, pour identifier les caractéristiques d’un bon indicateur.

L’indicateur de performance environnementale des produits (PEF Apparel et Footwear), testé par Décathlon, Promod, Bonne Gueule, Hermès, ou encore Louis Vuitton est notamment à l’étude.

À l’issue des expérimentations4, l’ADEME prévoit l’établissement d’un dispositif d’affichage complet et opérationnel d’ici mi-2023. Le processus d’adoption du cadre réglementaire devrait ensuite prendre six mois supplémentaires.

 

 

 

Vers une obligation de communication d’impact climatique dans la publicité 

Depuis le 1e janvier 2023, il est interdit aux annonceurs d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou service est « neutre en carbone » sans :

  • Un bilan des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie du produit ou service
  • La trajectoire de réduction prévue des émissions
  • Les modalités de compensation des émissions résiduelles.

Ces éléments devront être facilement accessibles pour le public et mis à jour tous les ans.

Il est désormais obligatoire d’indiquer l’impact climatique des produits dans les publicités. Si pour le moment, seule l’industrie automobile de luxe est directement concernée, il y a fort à parier pour que la loi s’étende rapidement aux bateaux de plaisance, puis à l’ensemble des industries de la mode ou du luxe, dont les cosmétiques, les accessoires, les vêtements, ou encore la maroquinerie.

En application de l’article 7 de la Loi Climat et Résilience, les entreprises soumises à des obligations d’affichage environnemental doivent se déclarer sur une plateforme numérique5. Les entreprises volontaires peuvent également y souscrire un “contrat climat“, leurs noms et contenus seront publiés publiquement le 15 juillet de chaque année. Par ailleurs, la plateforme dévoilera la liste des entreprises assujetties à une déclaration mais ne l’ayant pas réalisée, ainsi que la liste des entreprises s’étant déclarées mais n’ayant pas souscrit un contrat climat.

 

 

Un soutien aux énergies renouvelables

Inscrite dans la volonté française d’augmenter la part des énergies renouvelables à 40% d’ici 2030, l’obligation d’installation de photovoltaïque ou de toits végétalisés lors d’une construction, d’une extension ou d’une rénovation lourde sera étendue aux surfaces commerciales supérieures à 500 m² de création de surface. Elle est aussi étendue aux immeubles de bureaux de plus de 1 000 m² et aux parkings de plus de 500 m².

Les Maisons de luxe vont devoir intégrer ces obligations notamment pour leurs bureaux mais également pour leurs ouvertures de boutique ou flagships, souvent réalisées dans des lieux emblématiques après une lourde rénovation.

 

 

 

Une vigilance globale sur les processus de fabrication 

L’analyse du cycle de vie

Il semble de plus en plus essentiel pour les acteurs du secteur de réaliser des analyses de cycle de vie de leurs produits (conformément aux 5 axes de la loi AGEC, consultables ici), notamment pour être en mesure de communiquer lors des étapes de publicité ou de ventes. Cette démarche implique de fortes évolutions pour les grandes Maisons, qui devront intégrer ces modifications dans leurs processus marketing et leurs outils de création, édition et gestion de campagnes.

L’analyse du cycle de vie va de fait inciter les fabricants et distributeurs à entamer rapidement leurs démarches d’éco-conception et ainsi encourager la production durable, car elle portera à leur connaissance les impacts environnementaux précis de leurs produits. Elle devrait donner lieu à une intensification de la recherche et du développement de procédés de fabrication responsable.

Les objectifs de réduction des émissions de GES impliquent également une réduction drastique des déchets. Pour y arriver, les Maisons devront prévenir la génération de déchets dès la phase de conception des produits (éco-conception, principe pollueur-payeur). Elles devront également promouvoir l’économie circulaire, la réutilisation des produits (seconde-main, upcycling) et la réparation des produits chez les consommateurs.

Les modèles de distribution et de SAV devront alors être repensés pour intégrer les différents cycles de vie et fins de vies du produit.

 

La stratégie bas carbone

La loi Climat et Résilience permet également de se mettre en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone qui donne les orientations pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité, la transition vers une économie bas-carbone, circulaire et durable.

Tous les acteurs doivent s’engager à réduire collectivement de 40% leur consommation d’énergie, en renforçant l’efficacité énergétique et en développant la sobriété. La neutralité carbone implique de diviser nos émissions de GES au moins par 6 d’ici 2050, par rapport à 1990.

 

 

 

Un volet pénal pour renforcer le droit de l’environnement

Pour rappel, le droit de l’environnement protège à la fois la santé, la flore, la faune, la qualité de l’air, du sol ou de l’eau de toutes atteintes par les actions individuelles ou collectives.

Ainsi, l’article 279 de la loi Climat & Résilience souligne la nécessaire et plus grande préoccupation pour la préservation de la nature en créant un délit de mise en danger de l’environnement avec des sanctions pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison et de 250 000 € d’amende. Il s’agit en réalité d’une loi à la fois punitive comme préventive : les sanctions pourront s’appliquer même si la pollution n’a pas eu lieu, mais que le comportement de l’entreprise reste dangereux.

La loi Climat et Résilience crée un nouveau délit général de pollution des milieux, celui-ci pouvant déboucher sur la qualification d’écocide en cas d’élément intentionnel.

Un bureau d’enquête a par ailleurs été créé pour vérifier les preuves d’atteintes à l’environnement et pour déterminer l’intentionnalité du fautif.

Les Maisons de mode et luxe dont les activités sont scrutées de près du fait de leur conséquence sur l’environnement, devront porter une attention particulière à l’impact de leurs chaînes d’approvisionnement et de distribution de leurs produits afin de préserver une notoriété irréprochable et exemplaire.

 

Conclusion

L’entrée en vigueur de la loi Climat & Résilience annonce de grands challenges pour les acteurs du luxe, notamment en matière de collecte de données environnementales et sociétales, puis d’analyses et de communications. Ce sont à la fois les processus opérationnels et les systèmes d’information qui devront être mis à jour de concert, avec potentiellement des difficultés à rassembler les données, traiter les incompatibilités entre systèmes, les champs de données inexistants car conçus avec d’anciennes règles pour d’anciens usages…

D’autant que la Commission Européenne a pris acte des mesures préconisées par le rapport du GIEC et a déjà annoncé l’objectif de réduction des émissions de l’UE à 55% d’ici à 2030. L’urgence est d’entamer la route au plus tôt pour changer vertueusement les cycles de vie de tous les produits de luxe.

 

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1 Les origines de la loi Climat & Résilience avec le Pacte Vert Européen : https://www.touteleurope.eu/environnement/pacte-vert-europeen-les-dates-cles/

2Généralités sur la loi Climat & Résilience : https://www.ecologie.gouv.fr/loi-climat-resilience

3L’affichage environnemental sur les produits notamment textiles : https://www.economie.gouv.fr/cedef/affichage-environnemental#:~:text=L’article%202%20de%20la,les%20atteintes%20%C3%A0%20la%20biodiversit%C3%A9

4L’expérimentation de 2022 sur l’affichage environnemental : https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/consommer-autrement/passer-a-laction/reconnaitre-produit-plus-respectueux-lenvironnement/dossier/laffichage-environnemental/affichage-environnemental-secteur-textiles-dhabillement-chaussures-experimentation-20212022

5Impacts de la loi Climat & Résilience sur l’industrie textile (article réservé aux abonnés) : https://www.alliancecommerce.org/climat-et-resilience-note-de-synthese-des-dispositions-interessant-les-entreprises-du-secteur-textile-habillement-et-les-grands-magasins/