La personnalisation produit : un défi de taille pour la supply chain

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A l’heure où l’expérience est devenue un levier incontournable pour accroître l’engagement et la fidélisation client, les retailers visent à l’améliorer de façon continue en la rendant notamment toujours plus personnelle.

 

I. Les bénéfices de la personnalisation

 

L’enjeu est de répondre au besoin toujours plus prégnant d’être reconnu comme une personne unique. En effet, selon une étude d’Accenture Strategy, deux-tiers des consommateurs français sont davantage susceptibles d’acheter auprès d’entreprises qui personnalisent les expériences avec leurs clients. Conscient de cette problématique, le monde du retail s’adapte pour offrir des services personnalisés et tente d’instaurer un échange individualisé avec son client. Soutenue par l’IA, les solutions sont nombreuses : test de produit en réalité virtuelle, application « clienteling » pour les conseillers de vente, chatbots, dispositifs digitaux en magasins, politique de géofencing

 

L’importance que représente la personnalisation concerne autant le parcours client que l’article en lui-même.

Côté offre produit, cette stratégie n’est pas en reste, elle est même devenue un élément incontournable pour les acteurs retail qui souhaitent promouvoir une expérience client enrichie.

  • D’une part, dans sa quête de différenciation, le client cherche un produit à travers lequel il pourrait se reconnaître, se révéler et se sentir valorisé.
  • D’autre part, l’époque des produits standardisés est à présent révolue car un client mieux renseigné est aussi un client plus exigeant. Il acceptera donc moins facilement de renoncer à certains de ses critères ou de restreindre ses envies pour obtenir un produit qui sera identique à un autre.

A partir de ce levier concurrentiel, la marque peut aussi se distinguer de ses concurrents. Elle est reconnue comme un acteur singulier sur le marché, et créer un plus fort engagement auprès de ses clients par un phénomène d’identification.

 

II. Les impacts sur la supply chain

 

Néanmoins, les stratégies de personnalisation produit impliquent une nécessaire refonte de leur modèle de supply chain sur toute la chaîne de valeur. Dès lors, la chaîne logistique ne vise plus à s’approvisionner, produire et distribuer en masse à faible coût, mais elle doit s’adapter à la demande client, si ce n’est à la demande du client.

Les différentes stratégies s’appliquant à la « personnalisation » comme mode de consommation englobe plusieurs scénarios avec différents degrés de complexité. Cette orientation doit être mûrement réfléchie car proposer à son client un produit qu’il peut personnaliser depuis le site internet ou en magasin sans être capable de lui livrer dans un délai convenable et à un coût raisonnable ne serait que déceptif pour le client envers la marque. De même, une personnalisation poussée à l’extrême n’est pas adaptée à tous les business modèles. La stratégie adoptée doit donc se faire en adéquation en fonction du marché et de la capacité de l’entreprise à la développer.

  • Une stratégie de personnalisation avec le degré de complexité simple est de proposer au client une offre produit standard mais à travers une sélection individualisée basé sur son historique et ses préférences d’achat. Dans ce cas la personnalisation est assimilée à de la recommandation, à mi-chemin entre l’offre de service et de produit. Les sites e-commerce proposent ces listes personnalisées. Dans les points de vente les conseillers sont dotés d’une application clienteling qui leur permettent de recommander certains produits.
  • Une deuxième stratégie est de proposer une personnalisation à travers la présentation d’un produit standard. Cette présentation variera en fonction des clients, ce que l’on appelle une personnalisation cosmétique. Dans cette configuration, il n’est pas possible de répondre aux attentes d’un client spécifique mais, de segmenter plus finement l’offre en fonction de groupes de consommateurs. Le but est de créer une accroche affective auprès des clients. Les marques alimentaires adopte cette stratégie en customisant, par exemple, son packaging en remplaçant son nom par des prénoms ou des villes. Les marques de prêt-à-porter ont aussi fait ce choix avec l’ajout de mots ou de citation sur des articles vestimentaires auxquels les clients peuvent s’identifier.
  • Si dans ces deux premières stratégies le client n’est pas acteur de la personnalisation, il le devient lorsque l’entreprise lui propose de configurer un produit standard selon ses besoins et envies. Cette troisième stratégie de personnalisation se dit adaptative. Elle se développe de plus en plus en étant poussée par de nouvelles technologies telles que les solutions CAO (customisation assistée par ordinateur). Dès lors le produit devient unique. A une base standard s’ajoute les configurations opérées par le client. Il devient donc co-concepteur, l’expérience client est plus riche et valorisante. Le client peut lui-même choisir la composition de son plat ou de sa boisson, inscrire son prénom sur sa paire de chaussures mais aussi modifier les options de sa voiture ou la couleur et la matière de son sac-à-main.
  • Et enfin la dernière stratégie utilisant le processus de personnalisation le plus abouti est nommé collaborative. Les besoins du client sont affinés par le retailer dont le rôle devient moins vendeur et plus conseillé voire même expert. Le produit réalisé est alors sur-mesure, la qualité primant alors sur la quantité. L’intimité client est nécessairement renforcée. Une crème ou un fond de teint propre aux caractéristiques physiologiques du client et un vêtement aux mesures et aux goûts du client sont des exemples de produits issues d’une personnalisation collaborative.

Il apparaît que la chaîne logistique doit s’adapter dès la stratégie de recommandation.

Elle doit, dès ce premier niveau, être en mesure de répondre de façon appropriée à une hausse prévisionnelle des ventes de produits recommandés auprès des clients. Ensuite, pour limiter et maîtriser les impacts, l’objectif est de placer la customisation le plus tard possible dans le processus de production. Néanmoins, cet objectif ne peut s’applique pour une personnalisation collaborative puisque le produit est sur-mesure. Une complexité logistique supplémentaire apparaît également pour cette stratégie, celles d’assurer les promesses après-ventes.

 

III. Identifier les facteurs clés de succès

 

Une identification des facteurs clefs de succès pour l’intégration de ces politiques de personnalisation est nécessaire.

 

 

  • Facteur #1 : la stratégie
    Dans un premier temps la stratégie se doit d’être précise et définie en amont afin de valider la capacité de l’entreprise à s’engager dans une telle démarche. L’analyse doit mettre le client au centre de la réflexion pour définir les moyens nécessaires afin de répondre à ses attentes. Ainsi le degré de personnalisation pourra être positionné pour l’entreprise.
  • Facteur #2 : l’organisation interne
    Ensuite l’organisation doit être adaptée. Le mode de fonctionnement en silo n’est plus envisageable. En interne, la supply chain n’est plus une fonction support de l’entreprise mais intègre entièrement les problématiques de relation client tel que prix de vente, délais de fabrication, mode de livraison, gestion des retours et SAV. Chaque processus est à repenser lorsque la possibilité de personnaliser son produit est donnée au client.
  • Facteur #3 : l’organisation externe
    En externe, il faut s’assurer de la capacité d’adaptation des partenaires face à ces nouveaux enjeux et étudier les potentiels nouveaux acteurs pouvant répondre au besoin. Une intégration plus forte et une transparence plus grande sont des atouts primordiaux.
  • Facteur #4 : les outils
    Il en va de même que la mise en œuvre d’une telle stratégie doit être soutenue voire même encouragée par des outils innovants. Les flux logistiques sont depuis longtemps pilotés grâce à des outils ERP.
    Mais le rythme effréné des innovations induit nécessairement une digitalisation de la supply chain : planification, gestion des stocks et approvisionnement, qualité, management d’équipe, des fournisseurs et des clients, livraison… tous les champs de la logistique sont concernés. Ainsi, de nouvelles solutions qui permettent de répondre à ces enjeux se greffent au système d’information traditionnel lui-même évolutif tel que la plateforme OMS, la technologie RFID, la réalité virtuelle, l’outil de gestion mobile et connecté en temps réel

Parmi ces innovations, deux ont été identifiées comme étant de réels leviers pour mener à bien une stratégie de personnalisation : l’impression 3D et le machine learning.

  • L’impression 3D

La première est une véritable innovation poussant au summun la personnalisation de création produit puisque le modèle dessiné par le client est directement produit à travers la machine. Cependant ce mode de production est apparu très récemment et reste encore limité, il lui reste une marge de progression importante. Concernant la livraison, l’impression 3D permet de vendre au client le modèle d’impression et de venir auprès de son « point relais d’impression » pour obtenir son produit fini. La donnée est un autre élément clef que l’entreprise doit maîtriser dans l’ensemble de la stratégie qu’elle souhaite mettre en place. La collecte des données doit se faire sur l’ensemble des intervenants que ce soit les fournisseurs, sa propre organisation et ses clients. Les forces de vente y gagnent en efficacité mais aussi la chaîne logistique qui en tire également profit en flexibilité. D’un point de vue client la société pourra être proactive dans la prédiction du besoin et par rapport à sa supply chain elle pourra être réactive dans sa gestion.

  • Le machine learning

La deuxième concerne le machine learning qui en est à ses balbutiements. Mais il a déjà un fort potentiel de développement notamment grâce à l’intelligence artificielle.

 

IV. Les nouveaux enjeux de la Supply

 

Enfin la production personnalisable modifie les enjeux supply, elle permet de réduire les risques et les coûts existants tout en créant de nouvelles contraintes.

D’une part, les coûts relatifs au stockage de marchandise sont moindres car le produit fini est directement envoyé au client. Si le produit n’est pas directement envoyé les délais de stockage sont quand même raccourcis et les quantités produites réduites. Il en va de même pour les risques liés à une sur-production et à la gestion des invendus qui sont restreints.

D’autre part, la problématique du service après-vente s’intégrant dans la chaîne logistique peut prendre diverses transformations. La gestion des retours et des échanges de produits personnalisés pose la question de l’ensemble des services autour tel que le conseil, le système d’assurance et de garanties , celui de la réparation . Ces services vont avoir un impact direct sur le client et de sa perception de la marque bien qu’étant des services post achats.

Une entreprise qui souhaite offrir la possibilité à son client d’avoir un produit personnalisé, de la recommandation au sur-mesure, doit donc valider un certain nombre d’éléments décisifs.

L’expérience client en est enrichie de manière significative et améliore tout autant l’image de marque de l’entreprise.

Ces deux leviers agissent directement sur l’engagement et la fidélisation des clients. La transformation implique aussi de forts impacts structurels sur l’entreprise dépassant le cercle limité du retail/e-commerce.

La chaîne logistique traditionnelle doit être repensée pour devenir la colonne vertébrale de l’entreprise, garante de processus optimisés.

Une meilleure intégration et davantage de flexibilité dans une organisation dé-silotée veilleront à répondre à ce challenge. De même, des outils performants et une connaissance approfondie de l’écosystème informatique sont des clefs de réussite.

Finalement, puisque l’Intelligence Artificielle et l’innovation tendent à rendre réel l’imaginaire, sera-t-il un jour possible de créer son produit de son salon et de le recevoir dans l’heure qui suit ?

 

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